DEMAIN, JE PASSE LA NUIT AU TRAVAIL ... et ce week-end j’y retourne !
​​​​​​​
Pierre MAZIERE - Avocat - MCF MONTPELLIER

-

L’addiction au travail est une réelle pathologie identifiée par les psychologues du travail, qui touche tous les corps des métiers et contamine les collaborateurs « sains », auxquels l’addict impose la pression qu’il ressent.

Au Québec, elle porte le nom d'ergomanie ou ergodépendance (du grec ergon : le travail).
En France, le malade est « travailolique », ce que google traduit par « bourreau de travail »
Aux Etats-Unis, il est « workaholic », selon une expression construite à partir des mots work et alcoholic, popularisée en 1971 par Wayne Oates dans « Confessions of a Workaholic ».

Une série américaine traite la question (« Workaholics », de Blake Anderson, Adam DeVine, Anders Holm et Kyle Newacheck).

DIAGNOSTIC

Les symptômes
Le workaholic est atteint d’au moins quatre de ces symptômes :

  • Recherche de toujours plus de temps pour travailler.
  • Travail au-delà de ce qui était prévu.
  • Travail pour se sentir moins coupable, anxieux, déprimé ou impuissant.
  • L’entourage suggère de moins travailler, sans succès.
  • Apparition de stress lorsqu’on est empêché de travailler.
  • Abandon des loisirs et du sport.
  • Incidences sur la santé : troubles du sommeil, maux de tête récurrents, problèmes gastro-intestinaux, problèmes respiratoires.

(https//carreers.workopolis.com, 28 septembre 2012).

Les causes
Le survinvestissement procède d’une dépendance, par ailleurs mal vécue et souvent ignorée du malade.
En France, la réduction du temps de travail crée paradoxalement une exigence de productivité potentiellement favorable au phénomène de surtravail.
Ailleurs, le surtravail procède d’une quête effrénée de reconnaissance.
Dans les deux cas, lorsque le niveau de satisfaction n’est plus proportionnel à l’investissement, se met en place un cercle vicieux.
Le travailleur dépendant n’a pas conscience qu’il sacrifie sa santé.
Les japonais ont une expression consacrée, karoshi, qui désigne la mort subite par arrêt cardiaque résultant d’une surcharge de travail (https//carreers.workopolis.com, 28 septembre 2012).


TRAITEMENT

Désintox
Au Québec, sont mises en place des réunions informelles pour les Workaholic Anonymes.
Au Japon, 350 centres d'aide traitent spécialement du workaholism.
Aux Etats-Unis, les Workaholics Anonymous proposent une méthode en 12 étapes pour réaliser son plan d’abstinence…

Sevrage progressif
En France, plutôt qu’une privation brutale et nécessairement anxiogène, les psychologues du travail recommandent de modifier progressivement les habitudes.

​​​​​​​Il n’est pas conseillé de s’imposer une déconnexion totale pendant les vacances, quand on ne peut se passer de garder un œil sur le travail. Déconnecter progressivement est tout aussi complexe. Il s’agit de rechercher l'apaisement, notamment en cultivant d’autres sources de satisfaction et de confiance en soi.
Comment manager depuis la plage?», Le Figaro, 07 mai 2015)

PRISE EN CHARGE

Pas une maladie professionnelle
En France, paradoxalement le syndrome de dépendance au travail n’est pas une maladie présumée imputable au travail et ne figure pas parmi les tableaux de maladies professionnelles de la CPAM.

Les malades sont donc arrêtés pour maladie ordinaire, et non pour workaholisme. 
Les conséquences médicales du surtravail (dépression, burn-out) ne sont pas davantage présumés d’origine professionnelle.

La victime devra donc prouver le caractère professionnel de sa maladie, sans bénéficier de la présomption d’imputabilité au travail.
Au Japon, le Karoshi est une maladie professionnelle. L’employeur en répond devant la victime et/ou sa famille, pour manque d'assistance au salarié atteint de dépendance autodestructrice.

Responsabilité de l’employeur ?
« Il est très fréquent de voir des gens en grande souffrance au travail. Dans ce cas, le problème vient du travail et non pas des gens. » (Dr. Mireille Chevalier, secrétaire générale SNPST).

Or, en droit français, l’employeur est garant de la santé au travail de ses salariés. Sa responsabilité peut donc être recherchée lorsque, même involontairement, il laisse l’un de ses salariés développer un syndrome de dépendance au travail. A fortiori lorsqu’il l’encourage par la pression qu’il impose à son personnel.
En cas de maladie professionnelle, l’employeur sera recherché pour faute inexcusable. En toute hypothèse, il s’expose à une action prud’homale.

Certains prennent des mesures.
Fin 2011, le syndicat IG METTAL a obtenu de VOLKSWAGEN le blocage des serveurs Blackberry des salariés entre 18h.15 et 7 h. du matin.
Un autre constructeur allemand déduit les heures supplémentaires effectuées à domicile du temps de travail au bureau, y incluant les tweets professionnels et la lecture des e-mails.
En France et aux Pays-Bas, les entreprises ATOS et MICROSOFT ont mis en place une politique visant à éradiquer purement et simplement les mails internes, conçus comme importants facteurs de dépendance et donc de stress au travail.

Le zéro mail, facteur d’apaisement au travail